[GENERIQUE]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Stéphanie : Bonjour à tous,
Bonjour « Mona »
Mona : Bonjour « Stéphanie »
Les 2O et 27 juin 2021 se tiendront les élections régionales, départementales mais également territoriales en Corse, à la Martinique et en Guyane. Notre podcast « L’Actualité de la vie publique » vous propose une nouvelle série consacrée à ce rendez-vous électoral très important pour la vie de nos régions et de nos départements.
Ces élections qui constituent un temps fort de la démocratie locale, sont pourtant marquées par un taux d’abstention élevé, notamment des jeunes électeurs. Quels sont les ressorts sociologiques du comportement électoral ? Qu’est-ce qui peut expliquer ce manque d’intérêt pour les scrutins locaux ? Voilà les questions auxquelles nous allons nous efforcer de répondre.
Au sommaire du cinquième épisode : « Comment les Français votent-t-ils aux élections locales ? ».
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Pour préparer cet épisode, nous nous sommes appuyés sur les résultats de l’enquête Valeurs réalisée par l’European Values Study, plus précisément sur les résultats de la dernière vague de cette enquête menée en France en 2018. Cette enquête à grande échelle sur les comportements, opinions et valeurs des Européens existe depuis 1981 et fait figure de référence, notamment concernant l’évolution des valeurs politiques. L’analyse des résultats de cette enquête nourrit les réflexions de l’ouvrage Générations désenchantées ? Jeunes et démocratie, publiée très récemment, fin mars 2021, par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) aux éditions de La Documentation française. Ouvrage dont nous nous sommes servis pour préparer ce cinquième et dernier épisode de notre série.
Aujourd’hui, nous retrouvons, Mona, étudiante lilloise, qui va répondre à nos questions.
Première question de l’épisode 1
1. Stéphanie : Première question Mona, comment - en fonction des différentes générations, les Français votent-ils ?
Mona : Commençons par les électeurs les plus âgés, ceux des générations nées avant la Seconde guerre mondiale et ceux nés dans les années 1940 et 1950, c’est-à-dire la génération du baby-boom. En règle générale, ces électeurs font preuve d’une grande assiduité lors des scrutins. Ils sont imprégnés d’une « culture du vote » que les sociologues qualifient de « culture du vote par devoir ». Ils appartiennent à une génération qui a été marquée par un niveau exceptionnel d’intérêt pour la politique. Une génération qui a été fortement engagée, dès son entrée dans la citoyenneté, au cours des années 1960 et 1970. Cet effet générationnel perdure aujourd’hui. En résumé, la participation électorale reste forte parmi les générations nées avant-guerre et celle des premières générations du baby-boom. Concernant les élections locales, un chiffre illustre parfaitement cet engagement : 85 % environ des électeurs, nés avant 1960, disent se déplacer systématiquement pour ces élections.
[1. Intervention Stéphanie : Des générations donc toujours mobilisées aujourd’hui, mais qu’en est-il Mona des plus jeunes ?]
Mona : Pour les jeunes générations, la situation est très différente. Si on reprend le cas des élections locales, parmi les électeurs nés en 1980 ou après, seuls 36 % à 38 % disent voter systématiquement à ce type d’élection. Pour ces générations, le vote n’a clairement plus la même importance.
[2. Intervention Stéphanie : Faut-il en conclure que la politique ne les intéresse plus ou pas assez ?]
Mona : Non en réalité, une partie d’entre eux se dit toujours intéressée par la politique. Mais en fait beaucoup de ces jeunes électeurs considèrent que le vote ne suffit plus pour changer le cours des choses ou qu’il n’est pas forcément le meilleur moyen de se faire entendre des acteurs politiques. Mais cela ne signifie pas pour autant que les jeunes ne restent pas des citoyens engagés. Leur engagement prend seulement d’autres formes. Nous y reviendrons.
2. Stéphanie : Revenons un instant, Mona, sur les dernières élections locales, comment les Français ont-ils voté lors de ces scrutins ?
Mona : L’élection locale la plus récente organisée en France, on s’en souvient ce sont les municipales qui ont eu lieu en 2020. L’abstention a enregistré avec 55,36 % au premier tour une hausse de 20 points par rapport aux élections municipales précédentes. Mais il faut dire qu’en raison de la crise sanitaire, ce scrutin s’est déroulé dans des conditions tout à fait exceptionnelles.
[3. Intervention Stéphanie : Mais hormis ce contexte particulier de 2020, comment se situe l’abstention aux élections locales ?]
Mona : En fait, on observe une progression constante de l’abstention aux élections locales. En 2015, le premier tour des élections régionales a été marqué par un niveau très élevé de l’abstention (même si celui-ci était légèrement inférieur à celui de 2010). En effet, près de 50 % des électeurs ne se sont pas déplacés. C’est intéressant de comparer ce chiffre avec celui du premier scrutin régional organisé en 1986, l’abstention n’a été cette année-là que de 22 %.
[4. Intervention Stéphanie : Les élections départementales montrent-elles la même tendance ?]
Mona : Concernant les élections départementales, l’abstention a toujours été forte à ce scrutin, que l’on appelait auparavant élections cantonales. En 2011, on a même enregistré un record d’abstention avec 55,6 % (selon les données du ministère de l’Intérieur). Maintenant, si on prend pour référence le niveau de 2015 – le dernier scrutin en date - avec 49,9 %, le taux d’abstention est comparable avec celui enregistré au début des années 1970, en 1973 précisément, où l’abstention avait été de 46,6 %.
[5. Intervention Stéphanie : Et qu’en est-il du comportement électoral des jeunes lors des scrutins locaux ?]
Mona : L’abstention est très élevée pour cette catégorie d’électeurs. Aux dernières élections régionales, 65 % des 18-34 ans ne se sont pas déplacés. Pour la tranche 25-34 ans, le taux se situe au-dessus de 60 %. Pourtant quand on les interroge 8 jeunes sur 10 se disent attachés à leur région.
3. Stéphanie : Mais alors pour quelles raisons les jeunes se désintéressent-ils du vote ?
Mona : Et bien tout d’abord, rappelons qu’il s’agit d’un phénomène qui n’est pas nouveau. En fait, la seule élection pour laquelle la participation des jeunes est importante est l’élection présidentielle. Pour les autres élections : régionales, départementales, municipales ou européennes, le taux d’abstention peut atteindre 70 %.
[6. Intervention Stéphanie : Vous nous avez dit tout à l’heure que l’on observait une forme de perte de confiance dans l’utilité du vote chez les jeunes. Pouvez-vous nous en dire plus ?]
Mona : Alors à ce sujet, la dernière enquête Valeurs nous fournit des informations intéressantes. Ce que révèle l’enquête concernant les 18-29 ans, c’est :
- Tout d’abord qu’ils disent se méfier des partis ;
- Ensuite qu’ils sont divisés sur la manière dont fonctionne la démocratie (seuls 35 % s’en disent satisfaits) ;
- Cependant, ils se disent intéressés par la politique pour un tiers d’entre eux et 64 % des interrogés déclarent s’informer sur le sujet ;
- Enfin, s’ils sont nombreux à considérer que la politique est une chose importante (43 %), ils sont toutefois moins confiants que leurs aînés dans les institutions, notamment le Parlement et le gouvernement.
[7. Intervention Stéphanie : Quelles peuvent être les principales conséquences de ce manque d’intérêt des jeunes pour le vote ?]
Comme à peine 25 % des 18-29 ans déclarent voter systématiquement, une des conséquences de ce désintérêt des jeunes pour le vote est que leur poids réel se trouve minoré dans les urnes à la différence des seniors dont le vote pèse alors plus que leur poids démographique. Dans ces conditions, si les préférences politiques des différentes générations ne sont pas les mêmes, les partis politiques peuvent avoir tendance à se focaliser plutôt sur celles des votants, en l’occurrence les seniors, plutôt que sur celles des jeunes.
4. Stéphanie : Ce désintérêt pour le vote concerne-t-il toute la jeunesse sans distinction ?
Mona : En fait, là encore les logiques sociales traditionnelles de la politisation restent valables. Quelles sont-elles ?
- tout d’abord plus un jeune est diplômé, plus il aura tendance à s’intéresser à la politique, plus il aura tendance à voter ;
- la logique est la même concernant d’autres critères comme le niveau de revenu, les jeunes peu diplômés, ceux qui rencontrent des difficultés économiques comme le chômage ou la précarité ont tendance à se désintéresser de la politique et à moins voter.
[8. Intervention Stéphanie : les inégalités sociales jouent donc un rôle important ?]
Mona : En effet, si ceux qui votent le plus parmi les jeunes sont les plus favorisés économiquement, les plus diplômés mais également les plus urbains, cela a des conséquences en termes de capacité à se faire entendre pour les ruraux, les plus défavorisés, les moins diplômés ou les jeunes de banlieue. Or, ce sont ces jeunes-là (nous disent les études de sociologie politique) qui éprouvent a priori le plus de difficultés à se projeter dans le futur et qui considèrent que leur vote n’aura pas d’effet sur leur situation sociale.
[9. Intervention Stéphanie : Pourtant les étudiants qui disposent de ressources scolaires importantes qui les prédisposent au vote sont aussi nombreux parmi les abstentionnistes. Comment expliquer ce paradoxe ?]
Mona : Le désintérêt pour le vote des étudiants peut également s’expliquer par un moindre degré de satisfaction actuelle – concernant leur situation personnelle ou encore leur situation socio-économique, etc. – et un manque de confiance dans l’avenir. Dans ce contexte, les doutes qu’ils nourrissent quant à la capacité des institutions et des acteurs politiques à résoudre les problèmes qui les touchent peuvent les conduire naturellement à se désengager politiquement.
Toutefois, les jeunes restent des citoyens engagés. Leur engagement évolue et prend d’autres formes. C’est ce qu’illustrent parfaitement les marches pour le climat, où figurent en nombre les millennials (nés dans les années 1980 et 1990) et la génération Z, dont les plus jeunes représentants entrent aujourd’hui dans la citoyenneté.
Fin de l’épisode :
Stéphanie : C’est la fin de cet épisode et de notre série consacrée aux élections régionales, départementales et territoriales, qui auront lieu, on vous le rappelle, les 20 et 27 juin prochains !
Merci Mona de nous avoir accompagnés tout au long de cette série !
[Mona : Merci à vous !]
Stéphanie : Vous pouvez réécouter cet épisode et toute la série sur vos plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner !
Et pour en savoir plus, RDV sur notre site internet Vie-publique.fr et nos réseaux sociaux.
Au revoir « Mona », au revoir à tous !
[Mona : Au revoir !]