PODCAST SÉRIE LES ÉLECTIONS US 2020
ÉPISODE 5. Le financement des campagnes présidentielles
[Générique]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Stéphanie : Bonjour à tous,
Bonjour Patrice
Patrice : Bonjour Stéphanie
- Liaison avec l’épisode précédent (épisode 4)
Dans l’épisode précédent - l’épisode 4 - de notre série consacrée à l’élection présidentielle américaine, nous avons évoqué l’ultime étape de l’élection avec le vote des citoyens de chaque État fédéré des États-Unis, le premier mardi de novembre, pour désigner les grands électeurs de leur État. Grands électeurs qui constituent le Collège électoral et élisent à la mi-décembre le président des États-Unis. Car comme on vous l’a expliqué, le président des États-Unis n’est pas élu directement par ses concitoyens, comme en France, mais au suffrage indirect.
Aujourd’hui, dans le cinquième épisode, nous allons nous intéresser à une question que nous n’avons pas encore abordée jusque-là, celle du financement des élections présidentielles.
[Thème musical]
- Introduction de l’épisode 5
L’argent – on le sait - joue un rôle essentiel dans les campagnes présidentielles. Aux États-Unis peut-être encore plus qu’ailleurs, puisque des sommes colossales sont dépensées pour l’élection présidentielle. Des montants qui sont sans commune mesure avec ce que nous connaissons de ce côté-ci de l’Atlantique.
1. Première question, Patrice, comment les candidats financent-ils leur campagne ?
Aujourd’hui, pour un candidat à l’élection présidentielle, il existe deux moyens de financer sa campagne : les fonds publics qui sont attribués par la Commission électorale fédérale et les dons privés.
Mais si un candidat accepte des fonds publics, il devra se soumettre à des règles très contraignantes. Les candidats aux Primaires devront, notamment, renoncer aux dons privés en cas d’investiture par le Parti. Les fonds publics sont donc très peu utilisés, les candidats privilégiant les dons privés.
[Intervention 1 Stéphanie : Cela a-t-il toujours été le cas ?]
En fait, non ! Jusqu’en 2008, les candidats aux élections présidentielles acceptaient tous des fonds publics pour financer leur campagne.
Mais Barack Obama, pour sa campagne de 2008, décide lui de renoncer aux fonds publics et de recourir aux dons privés. Le plafond des fonds publics pour les mois de la campagne présidentielle (septembre à novembre) était de 84 millions de dollars. Il avait besoin pour l’emporter sur ses adversaires de mener une campagne très puissante. Il devait donc pouvoir s’affranchir de ce plafond/
Notons que son adversaire républicain, John Mac Cain, avait lui accepté les fonds publics.
Les dépenses totales de Barack Obama s’élèveront à 730 millions de dollars (150 millions de fonds levés pour le seul mois de septembre grâce au soutien de plus de 630 000 donateurs). Quant à son rival, ses dépenses totales – primaires et caucus compris – atteindront environ 330 millions.
De plus, en 2008, Barack Obama a opéré une véritable révolution dans la manière de financer une campagne présidentielle, en optant pour le versement de petits dons (de 5, 10 et 25 dollars), illimités et octroyés majoritairement sur Internet.
La campagne de Barack Obama en 2008 sera à l’époque la plus chère de l’histoire mais pour sa campagne de réélection, en 2012, il battra un nouveau record avec un budget total atteignant un milliard de dollars (son rival républicain, en 2012, Mitt Romney, parviendra à collecter, lui, 920 millions de dollars).
2. Comment justement a évolué au cours du temps la législation en matière de financement des campagnes électorales ?
Au début du XXe siècle, le principe d’un financement public de la vie politique est institué par le vote d’une loi qui interdit aux entreprises toute contribution directe au financement des élections (loi Tilman).
Au cours des années 1970, le cadre légal va être progressivement renforcé et la Commission électorale fédérale sera créée en 1974.
Alors c’est un arrêt historique de la Cour Suprême rendu en janvier 2010 qui va radicalement changer les choses puisqu’il autorise les entreprises privées à financer la vie politique. La même année, les plafonds imposés aux dons faits aux comités politiques indépendants sont jugés inconstitutionnels (Ces comités sont les structures chargées du financement des campagnes des candidats et des partis. Mais nous y reviendrons).
3. Qui sont les principaux collecteurs de fonds des campagnes présidentielles ?
Il y a d’abord les candidats eux-mêmes (en 2016, le milliardaire Donald Trump a financé personnellement environ 20 % de sa campagne et en 2020, Michaël Bloomberg, 9e homme le plus riche du monde, est devenu le candidat qui a battu tous les records avec plus d’un demi-milliard de dollars investis pour participer seulement aux Primaires démocrates). Il y a ensuite les partis politiques.
Autres acteurs essentiels, les comités d’action politique appelés, PAC (Political Action Commitee). Ces comités sont des organismes créés par des groupes d’intérêt. Ils existent depuis 1944 et se chargent de rassembler des fonds au nom d’un candidat. Ces comités d’action politique sont constitués par exemple par des entreprises, des syndicats, des associations professionnelles, des groupes de pression et des groupes de citoyens.
[Intervention 2 Stéphanie : Pouvez-vous nous donner un exemple de PAC ?]
Un exemple très connu de PAC est celui de la National Rifle Association (NRA) qui défend le droit de porter une arme à feu.
Une quatrième catégorie de collecteurs est constituée par les Super PAC.
Ces Super PAC ont été créés à la suite de l’arrêt de la Cour Suprême de 2010 dont on a déjà parlé, arrêt qui a autorisé les entreprises privées à financer les campagnes électorales.
La grande différence avec les PAC (mais également avec les candidats ou les partis politiques), c’est que les Super PAC ne se voient imposer aucun plafond maximal, ni en termes de collecte, ni en termes de dépenses des fonds recueillis. Les citoyens, les entreprises et les syndicats peuvent contribuer sans limite aux Super PAC.
Les Super PAC financent essentiellement les publicités dites « négatives » (qui dénigrent l’adversaire) car ces dernières n’ont pas besoin d’être coordonnées avec les équipes de campagne des candidats. Et ça, c’est une des conditions imposées aux Super PAC.
[Intervention 3 Stéphanie : Mais il y a aussi les Méga-donateurs Patrice ?]
Il faut également citer une autre catégorie particulière de contributeurs constituée des « Méga-donateurs ». Ces derniers peuvent verser des contributions de millions, voire de dizaines de millions de dollars pour soutenir un candidat [pour sa campagne de 2016, Hillary Clinton a reçu des dizaines de millions de la part de Méga-donateurs].
Cette année-là, 2016 donc, on estime que 0,01 % des Américains les plus riches ont financé 40 % des dépenses totales de la campagne présidentielle, tous camps confondus.
4. Quelles sont les conséquences de la place grandissante de l’argent dans les campagnes présidentielles aux États-Unis ?
Les sommes dépensées atteignent des montants colossaux ! On l’a dit en 2012 le total des dépenses des deux candidats a atteint presque 2 milliards de dollars.
Par ailleurs, l’importance considérable prise par les Méga-donateurs pose problème car elle peut conduire à un affaiblissement du système démocratique à terme. Ces derniers poursuivent en effet des intérêts privés et grâce à leur puissance financière, ils ont la capacité d’orienter dans un sens ou dans l’autre le programme du candidat qu’ils soutiennent.
[Intervention 4 Stéphanie : Mais est-ce que l’argent est une garantie de victoire ?]
Et bien non ! Pas nécessairement ! On l’a vu en 2016 avec la défaite d’Hillary Clinton dont le budget de campagne était pourtant plus important que celui de son adversaire, Donald Trump.
5. Comment les fonds collectés sont-ils utilisés pendant les campagnes ?
Une part très importante des fonds sert à financer la publicité. En 2016, environ 60 % des dépenses ont été consacrées à des opérations de communication via les médias, principalement des spots politiques télévisés. La publicité vise surtout les indécis dont les études de marketing politique ont montré qu’ils étaient les plus influencés par les messages publicitaires (notamment la publicité négative).
Rappelons également qu’aux États-Unis, il n’y a, depuis le début des années 1980, plus aucune règle concernant l’égalité du temps de parole dans les médias audiovisuels. Le résultat : plus un candidat a d’argent, plus il peut financer de publicité, plus il est connu et plus il peut engranger de dons.
[Intervention 5 Stéphanie : vous parliez d’internet mais les réseaux sociaux jouent également un rôle considérable ?]
C’est vrai Stéphanie ! Depuis 2004, des sommes très importantes sont investies dans la stratégie de communication sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, etc.). La campagne de 2008 de Barack Obama a encore accéléré le phénomène. Depuis à chaque campagne, les candidats et leurs équipes continuent d’investir massivement les réseaux sociaux, à l’image d’un Donald Trump, omniprésent sur Twitter.
[Intervention 6 Stéphanie : y-a-t-il d’autres dépenses importantes ?]
Les autres dépenses sont celles plus classiques de toute campagne électorale : l’organisation des meetings, les déplacements qui à l’échelle d’un pays de la taille des États-Unis représentent toutefois un poste budgétaire non négligeable (sachant que les campagnes se concentrent en général dans une douzaine d’États stratégiques dont les fameux États-pivots), les levées de fonds (gala, rencontres, etc.), les frais administratifs, etc.
THEME MUSICAL
Fin de l’épisode :
C’est la fin de cet épisode ! Au sommaire du prochain et dernier épisode : nous nous intéresserons à une dimension essentielle de la vie politique américaine : la géographie électorale des États-Unis (comment vote la Californie par rapport au Texas ou à la Floride par exemple) et au vote des minorités ethno-raciales.
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On se retrouve très bientôt !
Au revoir Patrice, au revoir à tous !
[Patrice : Au revoir ! A très bientôt]